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Le Tarmac : d’incroyables moments

Le Tarmac : d’incroyables moments


Au 159 avenue Gambetta, se niche un lieu magique où les artistes francophones nous disent le monde. J’aime sa programmation variée en danse, en musique et en théâtre.

La diversité au cœur

J’aime son espace d’accueil où se retrouver pour boire un verre avant ou après un spectacle, lire les auteurs francophones repérés par le comité de lecture. J’aime le fait que les spectacles puissent être diffusés suffisamment longtemps pour retourner voir des coups de cœur avec ceux et celles avec qui j’ai envie de les partager. J’aime aussi le Tarmac parce que c’est un des lieux culturels qui promeut la diversité sur son plateau, à laquelle répond la diversité du public.

Un projet culturel ancré sur le territoire

Scène francophone soutenue essentiellement par l’Etat, propriétaire du 159 avenue Gambetta où elle est hébergée, ainsi que par la Ville de Paris, le Tarmac est plus qu’un projet de repérage et diffusion d’artistes francophones à Paris. C’est aussi un projet culturel ancré sur le territoire. Ateliers d’écriture et de jeux dans les établissements scolaires, théâtre en appartements chez des familles résidant dans des ensembles sociaux de la Porte de Bagnolet, projet intergénérationnel de pratique théâtrale avec des adolescents fréquentant une association d’accompagnement à la scolarité et d’amateurs conviés par la MPAA, « Place à la Réplique » donnant la possibilité à des jeunes d’exprimer leurs engagements… voici quelques exemples d’actions développées dans le 20ème.

Une mise en danger inacceptable

C’est pourquoi je me suis résolument engagée aux côtés de Valérie Baran, sa directrice, et toute l’équipe du Tarmac quand Françoise Nyssen, ministre de la Culture, a annoncé brutalement par communiqué de presse la fin du projet du Tarmac et son remplacement par Théâtre Ouvert. Centre national des Dramaturgies Contemporaines, ce théâtre qui promeut et repère les écritures contemporaines non publiées a un problème de lieu, son propriétaire ayant mis fin au bail du lieu qu’il occupe dans le 18ème arrondissement Cité Véron. Le Moulin Rouge souhaite s’agrandir, le foncier est rare à Paris, et transformer le lieu où réside Théâtre Ouvert en lieu de nuit rapportera plus d’argent, beaucoup plus d’argent qu’un lieu de création pour le théâtre contemporain.

Bien sûr, d’autres lieux à Paris et en petite couronne auraient pu accueillir Théâtre Ouvert. Mais, dans la ville la plus dense d’Europe, tout arbitrage sur le devenir d’une parcelle est un choix politique car il coûte toujours de l’argent. La ministre, ses services, ont donc choisi de remplacer un théâtre par un autre, un projet par un autre.

15 000 citoyen.ne.s mobilisé.e.s

Les 15 000 signataires de la pétition de soutien, dont beaucoup d’habitants du 20ème, montrent l’incompréhension de cette décision et l’attachement au Tarmac. Les élus de gauche de l’arrondissement ont manifesté leur soutien à plusieurs reprises, ensemble, que ce soit George Pau Langevin, députée socialiste de la circonscription, Pierre Laurent, sénateur communiste, les 23 élus de la majorité municipale, Danielle Simonnet, conseillère de Paris de la France Insoumise.

La ministre, pour toute réponse, a choisi de lancer au cœur de l’été un appel à concurrence pour occuper le lieu, tout en indiquant sa préférence pour Théâtre Ouvert. Nous avons espéré avec le changement de ministre sensibiliser à la perte que représente la seule scène francophone à Paris et obtenir deux lieux pour deux projets. Christophe Girard s’est engagé en ce sens, écrivant, dès sa prise de fonction, au Ministre de la Culture pour lui proposer d’autres solutions. Malheureusement, cela n’a pas abouti. Malheureusement, le Tarmac disparaitra à la fin du mois de mai 2019.

Que retenir de cette histoire ?

D’abord qu’entre 2017 et 2019, le projet de la cité des Outre-Mer qui devait voir le jour à la Villette a été abandonné. Ensuite, France O voit son projet menacé. Enfin, le Tarmac est liquidé en une petite année. Dans une certaine indifférence, la politique en faveur de la francophonie et des Outre-Mer a pris une autre direction. Systématiquement, les arbitrages politiques ont été en défaveur de projets francophones. Systématiquement, le soutien financier a diminué, voire a été supprimé. Ça en dit long de notre rapport à l’autre, de notre ouverture, de notre temps social.

Je retiens aussi qu’en ce début de XXIe siècle on pense encore des projets culturels indépendamment des territoires. Le Ministère de la Culture a pensé comme propriétaire exclusif du 159 avenue Gambetta. Il est chez lui, il fait ce qu’il veut. Sans tenir compte des usages qui se sont développés dans le lieu qu’il avait pourtant ouvert pour que s’y développe du commun.

J’ai envie de me souvenir des incroyables moments passés au Tarmac : un solo de danse mêlant danse traditionnelle vietnamienne et hip hop, qui me fait monter les larmes aux yeux ; l’accueil d’une pièce et des artistes syriens, réussissant le pari incroyable en pleine guerre de les faire venir à Paris ; un verre partagé dans le patio à la sortie d’un spectacle pour poursuivre le partage par l’échange ; la rencontre du Monde Diplo avec Mona Chollet ; les élèves que j’ai emmenés et qui ressortent avec des étoiles dans les yeux…

Alors, merci à Valérie, à tous ceux et celles qui ont fait vivre et grandir le Tarmac. Vous allez beaucoup manquer au 20e.

NathalieMaquoi
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