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Wajdi Mouawad écrira désormais dans le silence du confinement

Wajdi Mouawad écrira désormais dans le silence du confinement

J’ai un rituel depuis le début du confinement. Depuis 35 jours, tous les soirs de la semaine, j’écoute le Journal de confinement de Wajdi Mouawad. Hier, à la fin de l’épisode quotidien, je comprends que le rituel s’arrête. Wajdi Mouawad se taira désormais. Il écrira dans le silence du confinement.

Poissons pilotes guidant dans le vaste océan

Faire récit, conter

Dans le brouhaha des informations, du nombre de malades, du nombre de morts, du nombre de masques, dans le brouhaha des tribunes, une voix particulière émerge.

Une voix qui conte le monde antique, au gré du fil de la pensée, plonge dans les grands mythes. Antigone. Persée. Poseidon. Les grands dieux sont à table et nous regardent.

Une voix qui conte l’Ancien Testament, explorant des expériences passées. Le sacrifice d’Abraham, Moïse, les plaies d’Egypte. Une façon de questionner ce qui nous arrive.

Une voix qui conte le présent. L’allocution du président de la République, Star Wars, le quotidien qu’on aperçoit désormais de sa fenêtre. Pour tisser le passé et le présent.

Faire lien, à soi, aux autres, à la nature

Faire lien

J’ai en mémoire des journées où j’ai écouté plusieurs fois l’enregistrement.

Celui du chat qui ne comprend pas que son quotidien soit bouleversé, pourquoi les humains qui vivent chez lui sont là en permanence, ce qui leur arrive, qui veille sur eux et parle. Parle pour rappeler la valeur du présent, l’inutilité d’anticiper un futur qui n’existe pas encore.

Celui adressé aux ami.e.s, à celles et ceux qui nous manquent. Comme si nous découvrions la valeur du lien physique, réel, présentiel, au travers de nos écrans. Une forme de découverte de l’essentiel : le lien aux autres.

Celui sur son père, si loin dans sa maison de retraite au Canada, conclu par l’histoire racontée en arabe. Qui nous parle de nos aîné.e.s, de notre lien aux générations précédentes, de notre impossibilité si le pire arrive de pouvoir être là, de pouvoir leur dire au revoir. De les laisser seul.e.s de longues semaines, isolé.e.s dans leur chambre, sans lien physique.

Faire silence

Il n’y aura pas de jour 36 du journal de confinement de Wajdi Mouawad.

Au jour 35, l’artiste a décidé qu’il était temps pour lui d’explorer d’autres projets d’écriture qu’il porte en lui, dans le silence, dans ce moment de création non visible avant de lire ou de voir une pièce. Qu’il était temps pour lui. Il se saisit de la liberté d’arrêter avant le 11 mai 2020.

Le 11 mai 2020. Cette date qui semble tout conditionner, décidée par le Président de la République, cette date où il nous semble qu’il y aura un avant et un après.

Et si nous tentions cette expérience : ne pas penser l’après 11 mai, mais le présent. S’affranchir. Vivre son propre tempo.

Pour écouter :

https://www.colline.fr/spectacles/les-poissons-pilotes-de-la-colline

NathalieMaquoi
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